La jurisprudence relative aux troubles anormaux du voisinage en droit de la construction a connu, depuis un certain nombre d’années, des évolutions substantielles.

Est en particulier apparue la notion de « voisin occasionnel ».

La théorie des troubles anormaux du voisinage a donné lieu en droit de la construction à une jurisprudence particulière.

Celle-ci sera étudiée dans le présent article.

L’article 544 du Code civil est ainsi rédigé :

« La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ».

La théorie des troubles anormaux du voisinage est issue de ce texte.

La théorie des troubles anormaux du voisinage apporte une limite au droit de propriété.

Le droit de propriété est absolu.

Toutefois, il ne doit pas, selon cette théorie, être le moyen de créer des troubles excédant la normalité à des tiers.

A défaut, le propriétaire, auteur des troubles, pourra voir sa responsabilité engagée.

La Cour de cassation vise dans ses décisions le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui de trouble anormal de voisinage (Notamment Civ. 2ème, 19 novembre 1986, n° 84-16379).

Il s’agit d’une responsabilité sans faute, la responsabilité de l’auteur du trouble pouvant être recherchée sous condition que soit rapportée la preuve de l’anormalité de ce trouble.

Qui est responsable d’un trouble anormal du voisinage ?

La question de l’auteur du trouble a donné lieu en droit de la construction  à un débat, sur les termes duquel il convient de revenir.

En matière de travaux, le premier responsable est le maître d’ouvrage.

Celui-ci pourra être recherché sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage.

Subrogé dans les droits de la victime, le maître d’ouvrage pourra lui-même se prévaloir de la théorie des troubles anormaux du voisinage et rechercher la responsabilité des constructeurs sur ce fondement.

Cette solution provient d’un arrêt rendu par la Cour de cassation le 21 juillet 1999 (Civ. 3ème, 21 juillet 1999, n° 96-22735).

La notion de voisin occasionnel.

Le tiers victime d’un dommage pourra également rechercher directement la responsabilité des constructeurs sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage.

Pour ce faire, la  jurisprudence a considéré que les intervenants à l’acte de construire peuvent être les voisins occasionnels de la victime, et qu’ils sont susceptibles de lui causer des troubles anormaux du voisinage.

Cette jurisprudence a été initiée par un arrêt rendu par la Cour de cassation le 22 juin 2005, et dans lequel il était statué comme suit :

« Mais attendu que la cour d’appel a retenu à bon droit que le propriétaire de l’immeuble auteur des nuisances, et les constructeurs à l’origine de celles-ci sont responsables de plein droit vis-à-vis des voisins victimes, sur le fondement de la prohibition du trouble anormal de voisinage, ces constructeurs étant, pendant le chantier, les voisins occasionnels des propriétaires lésés » (Civ. 3ème, 22 juin 2005 n° 03-20068).

Aux termes d’un arrêt du 21 mai 2008 (Civ. 3ème, 21 mai 2008, n° 07-13769), la Cour de cassation a jugé qu’un entrepreneur principal, non présent sur le chantier, ne pouvait pas être l’auteur d’un trouble anormal du voisinage.

Ainsi, selon cet arrêt, seuls les auteurs matériels d’un trouble pouvaient voir leur responsabilité engagée.

On pouvait déduire de cet arrêt que la responsabilité sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage, de certains constructeurs comme les architectes ou les bureaux d’étude ne pourrait être engagée, ceux-ci n’étant pas matériellement les auteurs de troubles.

Toutefois, par un arrêt du 9 février 2011, la Cour de cassation (Civ. 3ème, 9 février 2011, n° 09-71570 et 09-72494), sans faire référence à la notion de voisin occasionnel, a jugé que la responsabilité des intervenants intellectuels à l’acte de construire peut être engagée sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage à la condition que les troubles soient « en relation de cause directe avec la réalisation des missions » confiées aux personnes dont la responsabilité est recherchée.

Une solution similaire a été adoptée dans un arrêt rendu par la Cour de cassation le 28 avril 2011 (Civ. 3ème, 28 avril 2011, n° 10-14516).

Dans cette espèce, la Cour de cassation a jugé que l’absence d’occupation matérielle du fonds voisin ne suffisait pas à « exclure l’existence d’une relation de cause directe entre les troubles subis et les missions respectivement confiées aux architectes et aux bureaux d’études ».

Dès lors, il était également reconnu que la responsabilité des intervenants « intellectuels » à l’acte de construire pouvait être retenue sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage, si la preuve d’un lien de causalité entre les dommages et leur mission était retenue.

Cette relation de causalité directe entre les troubles subis et les intervenants à l’acte de construire doit être établie.

C’est ce qui ressort d’un arrêt rendu par la Cour de cassation le 19 octobre 2011 (Civ. 3ème, 19 octobre 2011, n° 10-15303 et 10-15810).

Au jour de rédaction du présent texte, la responsabilité des constructeurs sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage reste à préciser.