Dans le domaine de la responsabilité des constructeurs, on nomme dommages évolutifs ceux qui apparaissent dans le délai pendant lequel la responsabilité des constructeurs peut être recherchée, mais qui n’ont à ce moment là pas la gravité suffisante.

Rappelons en effet que pour rechercher la responsabilité des constructeurs dans le délai de 10 ans à compter de la réception, il est nécessaire que les désordres dont on entend obtenir réparation présentent une certaine gravité.

En effet, selon l’article 1792 du Code civil, la responsabilité des constructeurs peut être recherchée pendant 10 ans à compter de la réception de l’ouvrage pour les « dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination ».

La Cour de cassation a jugé, notamment dans des arrêts du 19 juin 1996 et 29 janvier 2003 (Civ. 3ème, 19 juin 1996, bulletin civil N° 94-17497 ; Civ. 3ème, 29 janvier 2003, bulletin civil, N° 00-21091), que pour engager la responsabilité décennale des constructeurs, un désordre devait avec certitude atteindre le caractère de gravité requis par l’article 1792 du Code civil dans les 10 ans à compter de la réception de l’ouvrage.

Ainsi, dans l’arrêt du 28 janvier 2003, la Cour de cassation relevait que les conséquences des désordres s’aggraveraient inéluctablement avec le temps et « assurément dans le délai de la garantie décennale ».

L’exigence de désordres graves apparus dans le délai de la garantie décennale, a été réaffirmée par la Cour de cassation le 6 juillet 2011 (Civ. 3ème, 6 juillet 2011, n° 10-17965).

Dans cette affaire, la Cour d’appel avait déclarée recevable l’action de maîtres d’ouvrage, auxquels il avait été indiqué que les désordres revêtaient un caractère esthétique pendant la période de la garantie décennale.

Ces maîtres d’ouvrage avaient appris postérieurement à l’expiration du délai de garantie décennale que les désordres en cause revêtaient finalement le caractère de gravité requis par la loi pour que soit appliqué l’article 1792 du Code civil.

Cet arrêt est censuré par la Cour de cassation au motif suivant :

« Qu’en statuant ainsi, sans relever qu’un désordre compromettant la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination avait été dénoncé dans le délai de la garantie décennale, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».

Le Conseil d’état semble retenir plus largement la responsabilité décennale des constructeurs, et admettre que des désordres plus graves se manifestent après le délai de la garantie, lorsque des dommages sont déjà sur venus dans ce délai.

Ainsi, dans un arrêt rendu le 31 mai 2010 (CE 31 mai 20210, n° 317006), le conseil d’état a jugé comme suit :

« Considérant qu’il résulte des principes dont s’inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil, que des dommages apparus dans le délai d’épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent la responsabilité des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale, même s’ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l’expiration du délai de dix ans ».