Par un arrêt du 30 janvier 2012, le Conseil d’état a jugé que doit être annulé pour excès de pouvoir un jugement approuvant la décision d’un Maire qui avait estimé qu’un projet relatif à l’installation d’antennes relais présentait un risque de nature à méconnaître le principe de précaution.

Le Conseil d’état sanctionne les premiers juges au motif qu’en « portant une telle appréciation, au regard seulement de risques incertains, sans rechercher si des éléments circonstanciés étaient de nature, en l’état des connaissances scientifiques et des pièces versées aux dossier, à justifier qu’il soit fait opposition à la déclaration préalable déposée en application de la législation sur l’urbanisme en vue de l’installation de l’antenne en cause, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ».

Dans cet arrêt, le Conseil d’état applique à nouveau la solution contenue dans 3 arrêts rendus le 26 octobre 2011 (CE 26 octobre 2011, n° 326492, n° 329904, et n° 341767 ).

Dans l’espèce commentée, le Maire avait rejeté, en vertu du principe de précaution, une déclaration préalable de travaux, relative à une antenne relais, déposée par un opérateur de téléphonie.

Pour ce faire, il s’était fondé sur l’article 5 de la Charte de l’environnement, selon lequel « lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leur domaine d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ».

La Charte de l’environnement  a valeur constitutionnelle, et comme rappelé dans l’arrêt commenté, il lui est fait référence dans le préambule de la constitution en vertu de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005.

Il a précédemment été jugé par le Conseil d’état que « l’ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement, et à l’instar de toutes celles qui procèdent du Préambule de la Constitution, ont valeur constitutionnelle ; qu’elles s’imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives » (CE, 3 octobre 2008, n° 297931).

En dehors de la Charte de l’environnement, l’article L 110-1 du code de l’environnement dispose que la protection, mise en valeur et restauration des espaces, ressources et milieux naturels s’inspirent notamment du principe de précaution.

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 30 janvier 2012, le jugement du tribunal administratif de Montreuil,a été censuré.

Pour cela, le Conseil d’état  constate que le risque en cause est incertain et estime qu’en l ‘état des connaissances, le principe de précaution ne justifie pas que soit empêchée l’installation d’antennes relais.

Pour le Conseil d’état, il aurait été nécessaire de rechercher si des éléments circonstanciés étaient de nature, en l’état des connaissances scientifiques et des pièces versées au dossier, à justifier qu’il soit fait opposition à la déclaration préalable déposée en application de la législation sur l’urbanisme.

Cette décision peut être comparée à celles rendues par les juridictions civiles.

Dans un arrêt qui a fait parler de lui, rendu le 4 février 2009, la Cour d’appel de Versailles (CA Versailles, 4 février 2009, n° 08/08755) a admis qu’une antenne relais avait entrainé un trouble anormal du voisinage et que, même en l’absence de risque certain, la présence de cette antenne créait une crainte légitime.

Il a toutefois été jugé qu’en l’absence de certitude sur le risque encouru, la responsabilité du propriétaire d’une antenne relais ne pouvait être retenue sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage (TGI Nevers, 22 avril 2010, Responsabilité civile et assurance 2010, commentaire 275).

Néanmoins, sur le fondement du principe de précaution, le TGI de Nevers a ordonné la conduite d’une étude et des adaptations de l’implantation de l’antenne en cause.

La Cour d’appel de Montpellier a fait une analyse opposée dans un arrêt du 15 septembre 2011 jugeant que la présence d’antenne relais constitue un trouble manifeste et représente un danger imminent (CA Montpellier, 15 septembre 2011, n° 10/04612).

La Cour de cassation, statuant également au sujet de champs électromagnétique, provenant non pas d’antennes relais, mais de lignes à haute tension, a écarté l’application du principe de précaution (Civ. 18 mai 2011, n° 10-17645).

A l’appui du pourvoi en cassation, était notamment invoqué l’article L 110-1 du code de l’environnement.

Pour rejeter le pourvoi, les juges de la Cour de cassation indiquent que la charte de l’environnement et le principe de précaution ne remettent pas en cause les règles selon lesquelles il appartient à la victime du dommage de rapporter la preuve que celui-ci est la conséquence directe et certaine du fait dommageable.

Ce faisant, et comme certains auteurs l’ont indiqué (Le principe de précaution et la responsabilité civile : à propos des champs électromagnétiques – Marion Bary – Responsabilité civile et assurance 2011, étude 11), la Cour de cassation refuse d’ériger le principe de précaution en principe de responsabilité autonome, mais exige que les éléments classiques de la responsabilité civile soient réunis pour entrer en voie de condamnation.

Aussi, si le juge administratif semble envisager une responsabilité directement  fondée sur le principe de précaution, dès lors que certaines conditions sont réunies, ceci semble être écarté par le juge civil, pour lequel il est nécessaire que les conditions habituelles de la responsabilité soient réunies.

Néanmoins, la jurisprudence des juridictions civiles et administratives semble être différente.

L’analyse du Conseil d’état devrait toutefois prévaloir.

Il a en effet été jugé par le Tribunal des conflits plusieurs arrêts rendus le 14 mai 2012 (TC 14 mai 2012, n° C 3844, C 3846C 3848, C 3850, C 3852, C 3584) que le juge administratif est compétent pour connaître des actions tendant à obtenir l’interruption, l’interdiction de l’implantation, l’enlèvement ou le déplacement d’une station électrique.

En revanche, le juge judiciaire est compétent pour connaître des litiges relatifs à l’indemnisation des dommages causés par l’implantation ou le fonctionnement d’une station électrique  ou faire cesser certains troubles anormaux  de voisinage liés à l’implantation ou au fonctionnement de ces stations.